Histoire naturelle aquatique de Star Wars
L’univers des films Star Wars (La Guerre des Étoiles) regorge de références aux espèces aquatiques de notre bonne vieille planète bleue. Dans cette galaxie lointaine (très lointaine), de nombreuses planètes sont recouvertes partiellement ou totalement par les océans, donnant lieu à une foisonnante vie aquatique sous la forme de faune et de flore, mais également à un florilège d’espèces dites « intelligentes » parfaitement adaptées à la vie sous l’eau. Je vous propose donc une plongée à la découverte des organismes aquatiques qui inspirent depuis plus de 40 ans les équipes créatives de l’univers de Star Wars.
Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine…
L’histoire de la franchise Star Wars (La Guerre des Etoiles en bon français) est bien connue des fans et même des non-fans. George Lucas nous y raconte un récit chevaleresque sous la forme d’un space opera se déroulant dans une autre galaxie où l ‘Alliance rebelle combat l’Empire, un régime autoritaire dirigeant des milliers de systèmes solaires d’une main de fer. Je ne vais pas discuter ici de l’histoire, des vaisseaux spatiaux, des héros ou des vilains. Le propos de cet article concerne les milieux et les espèces aquatiques visibles dans les six premiers épisodes (avant le rachat de la franchise par Disney). Vous allez voir que les références à la biologie marine sont très nombreuses. Alors embarquez dans votre X-wing ou votre TIE (selon votre allégeance) et passez en vitesse lumière vers notre première destination !
Le début de l’aventure : Naboo
Notre premier bond hyperspatial nous mène à la petite planète de Naboo. C’est l’une des planètes où se déroule principalement l’intrigue du premier épisode (La Menace Fantôme). Elle est également le lieu de naissance de Padmé Amidala (la mère de Luke Skywalker et de la princesse Leia) et de Sheev Palpatine (le futur Empreur maléfique). Naboo est le théâtre de la première bataille spatiale d’Anakin Skywalker (le futur Dark Vador) et du mémorable combat au sabre laser de Qui-Gon Jin et d’Obi-Wan Kenobi contre le Sith Dark Maul. Mais assez d’histoire ! Ce qui nous intéresse ce sont les larges océans, les lacs et les vastes zones marécageuses de la planète qui accueillent un nombre impressionnant d’espèces aquatiques à commencer par les Gungans.
Il n’est pas question de parler ici du très controversé personnage de Jar Jar Binks mais intéressons-nous plutôt à la biologie des Gungans et à leur habitat. Les Gungans constituent une espèce intelligente indigène de Naboo, disposant de leur propre langue et de leur propre culture. Ce sont des tétrapodes (deux paires de membres) bipèdes. Leurs mains comportent quatre doigts similaires aux nôtres tandis que leurs pieds sont constitués de trois gros orteils. Leur tête dispose de longues oreilles (dont la fonction semble être de les aider à se stabiliser sous l’eau), d’une bouche en forme de bec comme celle des hadrosaures, d’une langue extensible comme celle des caméléons, de narines (leur permettant de percevoir les odeurs), d’une paire d’yeux montée sur des appendices tubulaires pouvant se mouvoir de façon indépendante comme celle des crabes et disposant de pupilles similaires à celle des reptiles.
Cette morphologie semble leur permettre d’évoluer facilement dans l’eau bien qu’aucun système de filtration, tel que les branchies, ne soit visible sur leur corps. Les Gungans sont également capables de respirer sans difficulté à l’air libre ce qui suggère qu’ils disposent de poumons. et retiennent donc leur respiration lorsqu’ils nagent sous l’eau.
Intéressons nous maintenant aux habitats aquatiques de Naboo dans lesquels les Gungans ont élus domicile. La ville des Gungans (Otho Gunga) est située dans les abysses des océans de la planète. Dans le film, Obi-Wan, Qui-Gon et Jar Jar s’immergent dans une espèce de bayou, similaire à ceux du sud des États-Unis, et qui doit certainement communiquer avec l’océan. Après leur passage dans la cité sous-marine, les trois protagonistes utilisent un sous-marin, à l’aspect organique et à la forme rappelant celle des raies manta (Manta birostris), pour rejoindre la capitale de la planète en passant par les profondeurs marines.
Bien évidemment ce voyage subaquatique est l’occasion de mettre en scène tout un bestiaire marin d’une taille suffisante pour dévorer le sous-marin et ses occupants. Le premier giga-prédateur rencontré est le colo claw fish (poisson-griffe colo français) qui mesure la taille respectable de 40 m. Son corps serpentiforme rappel celui des murènes et des congres de nos océans tandis que ça tête, pourvue de mâchoires longues et dentues, rappelle celle des crocodiliens de type gavial (le gavial du Gange Gavialis gangeticus et le Gavial de Schlegel Tomistoma schlegelii). Au vu de ses caractéristiques morphologiques et des organismes dont elle est inspiré, nul doute que cette espèce est carnivore. Le colo claw fish est également capable de bioluminescence ce qui permet généralement aux êtres abyssaux de communiquer et d’attirer leur proies.
Le premier habitant des abysses de Naboo à goûter au sous-marin Gungan est le opee sea killer en VO ou tueur des mers opee dans notre langue. Encore plus improbable que le colo claw fish, le opee sea killer mixe la tête et le corps d’une baudroie (avec ses épines dorsales) avec les pattes et la carapace d’une araignée de mer. Ce super prédateur des abysses mesure plus de 20 m de long et est tout à fait capable d’engloutir des proies de la taille du sous-marin Gungan. Ce dernier ressemble certainement à sa nourriture habituelle, qui pourrait ressembler à des céphalopodes2 de type calmar.
Le dernier giga-prédateur des profondeurs à faire son apparition dans cette séquence sous-marine est un véritable délire biologique de 200 m de long : le sando aqua monster (ou monstre aquatique sando en bon français). Cette abomination morphologique, certainement reptilienne, est le mélange brutal d’un dinosaure carnivore de la tête au tronc, et d’un têtard pour la queue… Il se nourrit clairement d’opee sea killer et il est difficile d’imaginer qu’il puisse avoir un prédateur. Ce qui est intéressant ici est la taille démesurée de ces organismes sous-marins.
Sur la Terre le plus grand être vivant à avoir arpenté les océans, à notre connaissance, est le rorqual bleu (Balaenoptera musculus) qui peut atteindre 30 m de long et peser jusqu’à 150 tonnes. Le milieu marin est propice au développement d’animaux de grande taille du fait de la possibilité d’évoluer en trois dimensions dans un espace sans obstacles. Alors pourquoi ne pas imaginer que la surenchère évolutive de la taille des animaux marins se soit poursuivie sur Naboo jusqu’à produire des reptiles marins de plusieurs centaines de mètres de long ? Pour permettre à de telles créatures de survivre il leur faut bien évidemment des proies, l’ensemble du réseau trophique1 (chaîne alimentaire) étant certainement soutenue par des organismes photosynthétiques microscopiques comme sur Terre.
Les marécages et les profondeurs marines de Naboo, bien que différentes de celles de notre bonne vieille planète bleue, nous sont tout de même familières et les organismes marins rencontrés auraient pu peupler nos océan si des chemins évolutifs différents avaient été empruntés par la faune océanique terrestre. Poursuivons donc notre voyage interstellaire vers notre seconde destination : Kamino.
Kamino la tumultueuse
Bienvenue dans le système de Kamino ! Tout comme Naboo, inspectons un peu la planète depuis son orbite pour mieux appréhender ses habitats marins et les espèces qui y vivent. Kamino est un immense océan sans aucune terre émergée visible. Les organismes vivants de la planète sont donc exclusivement des organismes marins auxquels s’additionnent éventuellement des êtres disposant de la capacité de voler (comme des reptiles volant ou leur descendant les oiseaux sur notre bonne vielle Terre). La seconde chose qui peut frapper en regardant Kamino depuis une position orbitale est la quantité et la taille des formations cycloniques qui laisse imaginer que les océans de la planète sont dans un état de tempête perpétuelle.
Faisons donc une petite pause pour comprendre ce phénomène de cyclone qui peut nous renseigner sur les caractéristiques des océans de Kamino et les créatures qui y vivent. Sur Terre, les cyclones sont des phénomènes tourbillonnaires avec en son centre des pressions atmosphériques très basses. Les cyclones se forment dans les zones tropicales lorsque la température de l’eau de mer de surface (couche de quelques dizaines de mètres) est élevée tandis que la température de l’air est basse. Si sur Terre ces formations sont des dépressions isolées qui perdent rapidement en intensité lorsqu’elles atteignent les terres, sur Kamino nous pouvons voir qu’elles sont multiples et qu’aucun continent ne vient diminuer leur ampleur.
L’océan de Kamino est donc relativement chaud en surface comme dans nos zones tropicales (entre 25 °C et 30 °C). Comme aucune terre émergée n’est visible, il est à supposer que le fond de l’océan est constitué dans son immense majorité par des pleines abyssales peut-être ponctuées par des dorsales océanique issus des mouvements tectoniques des plaques. Oubliez donc les lagons, les récifs coralliens et la végétation marine. Les fonds abyssaux de Kamino sont donc probablement colonisés par des invertébrés suspensivores à la base d’un réseau trophique comportement des prédateurs et des charognards de grande taille.
Arrêtons ici les spéculations sur les habitats marins de Kamino et revenons à ce que nous montrent les films (en l’occurrence l’épisode II : L’attaque des clones). A la surface de la planète, l’océan est en perpétuel mouvement avec une houle permanente de plusieurs mètres de haut, tandis que des pluies diluviennes s’abattent sur les flots tumultueux. Aucune terre en vue. En revanche, d’immenses complexes industriels et des villes battis sur pilonnes s’élèvent au dessus de l’océan. En se penchant sur l’histoire du climat de la planète, nous apprenons qu’une fonte rapide des calottes glacières des pôles il y a plusieurs siècles a mené à l’immersion complète des terre émergées.
Les structures artificiels sont le lieu de vie des kaminoans, les maîtres du clonage réputés dans toute la galaxie, qui ont dû s’adapter rapidement à leur nouvelles conditions de vie. Ces êtres bipèdes filiformes à la peau blanche semblent avoir eu un passé évolutif aquatique comme le montre le vestige d’aileron présent sur le crâne des mâles. Difficile d’imaginer à quoi pouvait ressembler la forme aquatique antérieure des kaminoans. Leur apparence aérienne actuelle suggère la présence de poumons ou bien d’une forme de respiration cutanée comme les amphibiens terrestres. Leur long cou peut suggérer un rattachement aux formes de vie reptiliennes aquatiques qui peuplaient nos océans il y a plusieurs dizaines de millions d’années.
Avant de quitter les flots tumultueux de Kamino, penchons-nous quelques instants sur la seconde créature marine de Kamino qui apparaît dans le film : l’Aiwha. Les bases de données officielles nous informent que cette être marin est un cétacé, c’est-à-dire un mammifère aquatique de la même famille que nos baleines et dauphins terrestres. Sa particularité morphologique ? Il dispose d’ailes comme les raies. D’ailleurs, à l’instar de ces dernières, l’Aiwha est capable de se propulser à plusieurs mètres au-dessus de la surface de la mer. A la différence des raies, dont le vol est de courte durée, l’Aiwha semble capable de voler pendant plusieurs minutes ce qui en fait une monture prisée par les kaminoans.
It’s a trap!
Avec ce titre si évocateur (c’est un piège ! en bon français), les fans de la franchise ont tout de suite identifié notre troisième et dernière destination qui nous propulse de l’épisode II à l’épisode VI avec le personnage de l’amiral Ackbar et les Mon Calamaris. Nous allons élargir notre champs de vision pour englober la planète de cette espèce intelligente (qui n’apparaît pas dans les films) mais qui, à mon sens, est la plus intéressante à étudier du point de vue de la biologie marine. Remontons donc dans notre vaisseau et entrons dans l’hyperespace destination Mon Cala !
Contrairement à Kamino, Mon Cala dispose d’une plus grande variété de climats et d’habitats marin. Depuis l’espace nous pouvons observer des terres émergées (même si elles sont peu nombreuses), des zones océaniques profondes et des calotte glacières. Cette diversité de milieux naturels sous-entend bien évidement une importante diversité des formes de vie de la planète. Un article est malheureusement trop court pour pouvoir s’intéresser à toutes les formes de vies aquatiques de la planète très largement décrite dans l’univers étendu de la franchise (séries animées, romans, bandes dessinées). Nous allons donc nous concentrer sur les deux espèces humanoïdes de Mon Cala : les Mon Calamaris et les Quarrens. Bienvenue dans le royaume des céphalopodes !
Commençons donc par les Mon Calamaris. Inutile de se creuser longtemps la tête pour connaître le groupe d’espèces qui a inspiré la création des ces êtres. Leur tête allongée et leur globes oculaires déportés rappellent clairement ceux des pieuvres. Leur yeux noires sans pupille en revanche font plus penser à ceux de certaines espèces de requins. A l’instar des céphalopodes, leur yeux sont placés de chaque côté de leur tête mais leur vision est tout de même binoculaire sans zone aveugle au centre. Le reste du corps des Mon Calamaris est désespérément humain et ne représente donc que peu d’intérêt pour cet article. Notons tout de même leurs avant-bras élargis et leurs mains palmées qui leur permettent d’évoluer avec aisance dans leur milieu naturel sous-marin.
Comme toujours se pose la question de la respiration pour ces êtres capables de respirer aussi bien à l’air libre que sous l’eau. Leur vie à l’air libre (dans une atmosphère saturée en humidité) suggère la présence de poumons, tandis que leur similarité d’apparence avec les céphalopodes suppose l’existence de branchies dans leur manteau (ici leur tête).
Il est important de noter que les Mon Calamaris vivent en harmonie avec leur milieu et construisent des villes qui s’intègrent parfaitement à l’environnement marin. Cette préoccupation pour la protection des espaces naturels n’empêchent pas les Mon Calamaris de compter parmi les plus importants fabricants de vaisseaux spatiaux de la galaxie avec un chantier naval géant encerclant la planète au niveau de l’équateur.
Continuons avec la seconde espèce humanoïde de la planète : les Quarrens. L’inspiration vient encore une fois clairement du côté des céphalopodes. Seulement cette fois ce n’est pas la morphologie des pieuvres qui est copiée mais celle des calmars. Comme les Mon Calamaris, seule la tête est empruntée à un organisme aquatique terrestre tandis que le corps est banalement humain. La tête du Quarren, donc, est de forme triangulaire avec autour de son orifice buccale quatre tentacules sans ventouses (contrairement aux calmars). Autre distinction avec leur équivalent terrestre, le nombre de tentacules, les calmars en ayant huit en général.
Contrairement aux céphalopodes et aux Mon Calamaris, les Quarrens non pas leurs yeux placés de chaque côté de leur tête mais de la même façon que les humains. Les deux protubérances de chaque côté de leur tête rappel vaguement la forme du manteau de certaines espèces de calmar. Ces protubérances abritent certainement des siphons permettant l’aspiration de l’eau vers les branchies situées dans leur crâne pour leur permettre de respirer sous l’eau. Leur tronc humanoïde abrite probablement tout le système respiratoire nécessaire à la vie aérienne.
Les Quarrens et les Mon Calamaris se partagent les vastes océans de leur planète. Bien que des tensions permanentes existent entre ces deux peuples, elles vivent toutes les deux en harmonie avec leur environnement et les créatures marines des profondeurs, bien que certaines soient leur prédateur naturel.
Le mot de la fin
Notre voyage interstellaire dans la galaxie de Star Wars touche à sa fin. En nous concentrant sur le bestiaire aquatique présent dans les six premiers films nous n’avons fait qu’effleurer les références au milieu marin dans la franchise. L’univers Star Wars est comme un iceberg dont les films ne sont que la partie émergée et les séries, les bandes dessinées, les romans et les jeux vidéos publié depuis 1977 constituent la partie immergée.
D’une façon générale ,il est intéressant de se pencher sur les références au milieu marin dans la culture populaire qui se fonde la plupart du temps sur l’observation de la morphologie et du comportement d’espèces réelles. Dites-vous bien que la réalité des espèces qui peuplent nos océans dépasse très souvent la fiction. Et il reste encore beaucoup à découvrir !
Glossaire
1Réseau trophique : ensemble de chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d’un écosystème et par lesquelles l’énergie et la biomasse circulent.
2Céphalopode : classe de mollusques dont la tête est munie de tentacules. Ce nom générique inclut notamment les pieuvres, calmars et seiches, et les nautiles.
Pour en savoir (beaucoup) plus
http://www.starwars-holonet.com/encyclopedie/
L’auteur
Arnaud Abadie est un écologue marin et un photographe subaquatique. Biologiste marin en Méditerranée pendant dix ans, il est désormais chargé d’études milieu marin à l’Agence de l’Eau Artois-Picardie. Arnaud est le fondateur de Sea(e)scape et l’un de ses contributeurs régulier.
Très sympa ton article pour les fans de star wars! Je kiff et Je partage !
Merci pour tes encouragements Florent ! J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cet article et je pense que je vais en faire d’autres dans ce goût là sur d’autres « objets » de la culture pop 🙂
Bel article 👍🏼