La circulation océanique

Si nous parlons souvent des océans au pluriel, il est plus juste de parler d’un océan unique du fait des nombreuses connexions entre les différentes masses d’eaux et de l’énorme proportion de notre planète qu’il occupe. Cette étendue qui semble sans bornes n’est cependant pas immobile. Il est facile de s’en rendre compte lors des tempêtes qui génèrent des vagues, il est plus difficile d’imaginer un système circulatoire mondial qui transporte les eaux aux quatre coins du monde sur des temps qui paraissent longs à l’échelle de notre courte vie. Attention : ce système, relativement simple de par son fonctionnement, est l’un des principaux régulateur du climat sur terre en permettant notamment la séquestration du CO2. Il est donc au coeur des préoccupations des scientifiques étudiant le réchauffement global.

La mer est l’illustration parfaite du mouvement perpétuel. Ses mouvements nous fascinent et nous hypnotisent. Que ce soit sous l’eau (comme ici au large de Marseille) ou sur terre, chacun peut se laisser porter par sa force incommensurable.

Le vent force de mouvement et d’érosion

Lorsque la profondeur diminue à l’approche de la côte, la hauteur des vagues augmente et elles déferlent sur le littoral comme ici sur les falaises escarpées de la presqu’île de Giens dans le Var.

Le premier moteur de mouvement des océans est le plus « visible », c’est le vent. Il est généré par les différences de température à la surface du globe (dues au rayonnement solaire) et à la rotation de la Terre. L’action du vent sur la mer est facilement perceptible, il crée un onde qui déforme la surface de l’eau et se propage. Ce sont les vagues. La hauteur de ces dernières va varier en fonction de la force du vent et du relief sous-marin (profondeur). Leur longueur d’onde va varier de la même façon. Ainsi la houle peut être dite courte ou longue en fonction de l’espacement entre chaque crête de vague.

Processus de formation des vagues par le vent et leur évolution à l’approche de la côte.

A l’approche du littoral la hauteur des vagues augmente donc progressivement, puis l’onde perd de son énergie et la vague déferle. Un courant littoral parallèle à la côte se forme alors et qui induit notamment un transport de sédiments, qui modifie la morphologie du rivage lorsqu’il est de nature meuble (sable) en apportant, ou en enlevant, de la matière selon la configuration géographique. Lorsque la houle s’abat sur une côte rocheuse, cette dernière est érodée. Selon la nature de la roche, la morphologie de la côte sera ainsi modifiée en l’espace de quelques décennies ou bien plusieurs millénaires.

Les vagues attaques les falaises granitiques du Nord Ouest de la Corse durant une tempête au printemps. Le granite étant une roche résistante, son érosion est extrêmement lente.

Les grands courants marins

Si l’on se place à l’échelle de la planète, les vents dominants produisent des grands courants de surface dont la circulation est contrainte par la présence des continents. Mais comment naissent précisément ces grands courants ? Le vent n’est pas le seul facteur étant à l’origine de ces derniers car sa puissance n’est pas suffisante pour contrecarrer la rotation de la terre dont est issue la force de Coriolis*. Ainsi, aux faibles latitudes où la force de Coriolis est plus faible, les Alizés (vent d’Est) soufflant entre l’équateur et les tropiques créent une accumulation d’eau à l’Ouest qui chauffe et se dilate. Ces masses d’eau donneront naissance à des courants chauds tels que le Kuroshio dans le Pacifique Nord et le courant du Brésil dans l’Atlantique Sud, tandis que d’autres formeront des courants de retour. Au niveau de l’Antarctique, de forts vents d’Ouest non contraints par la présence de terres produisent le courant le plus puissant du globe (le courant Circumpolaire) encerclant le continent blanc.

Les grands courants marins mondiaux issus de la force des vents et de la force de rotation de la Terre.

Transports horizontaux et verticaux

Les vents permettent le transport horizontal et vertical des masses d’eau. D’une façon générale, le transport d’Ekman** ce fait perpendiculairement à la direction du vent et déplace horizontalement verticaux des masses d’eau.

Principe de fonctionnement du transport d’Ekman dans l’Hémisphère Nord.Source : Pierre cb, Wikimedia.

Imaginez que vous observez une portion de mer dans l’hémisphère Nord. Les vents anticycloniques (tournant dans le sens des aiguilles d’une montre) forment une bosse à la surface de la mer grâce au transport d’Ekman convergent qu’ils induisent. Cette bosse exerce une pression qui entraîne les eaux de surface plus chaudes vers les profondeurs (downwelling***). Lorsque que ce sont des vents cycloniques qui sont à l’oeuvre (tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre), c’est le processus inverse qui se produit. Une dépression se forme à la surface de l’eau (un creux) induisant un phénomène de pompage des eaux profondes plus froides qui remontent (upwelling****). Ce phénomène peut être observé sur les côtes marseillaises lorsque le Mistral chasse les eaux de surface, faisant ainsi remonter des eaux froides et celà même durant la période estivale. Les mêmes processus sont à l’oeuvre dans l’Hémisphère Sud, à la seule différence que le sens de circulation des vents est inversé.

Le tapis roulant mondial

Les courants marins de surface, couplés au transport vertical des masses d’eaux, sont à la base d’une circulation océanique globale reliant toutes les parties de l’océan mondial. Cette circulation globale est composée d’eaux froides qui circulent en profondeur et d’eaux chaudes qui circulent dans la couche océanique superficielle. Elle est dite thermohaline car c’est la température et la salinité qui vont définir la stratification des masses d’eau au travers de la variation de leur densité. Ainsi, plus une eau est froide et salée, plus sa densité sera importante tandis que les eaux chaudes sont dilatées et plus légères.

Circulation thermohaline mondiale. Carte source : Brisbane, Wikimedia.

Il est ici question d’une circulation car nous parlons d’une boucle faite d’une succession de plongées et de remontées de masses d’eaux, et qui parcours l’ensemble de l’océan, tel un tapis roulant géant. Si nous pouvions suivre le parcours d’une molécule d’eau plongeant dans l’Atlantique Nord, nous observerions qu’elle met environ 1 000 ans pour revenir à son point de départ.

Influence sur le climat

L’océan joue un rôle crucial dans le processus de pompage et de stockage du carbone a l’échelle planétaire. Deux types de pompes sont principalement identifiées. La première est dite biologique. C’est celle basée sur l’absorption de CO2 par les organismes planctoniques photosynthétiques (phytoplancton). La seconde pompe, dite physique, concerne les échanges gazeux de la surface entre la surface et l’atmosphère. C’est dans ce processus que la circulation thermohaline intervient. Le CO2 est dissout plus facilement par les eaux froides des hautes latitudes qui plongent ensuite du fait de leur forte densité comme décrit dans la partie précédente. Ce CO2 est ainsi piégé pour plusieurs centaines d’années sans aucun contact avec l’atmosphère.

Les échanges gazeux entre l’atmosphère et l’océan font de ce dernier une pompe de CO2 indispensable pour contrer nos émissions sans cesse grandissantes.

Cette pompe, bien évidemment, ne peut fonctionner que si la quantité de CO2 dans l’atmosphère est plus importante que celle présente dans l’océan. De plus, si l’efficacité de l’absorption du carbone a peu varié depuis qu’elle est mesurée par les scientifiques, sa diminution pourrait se produire du fait du réchauffement climatique global. De plus, l’hypothèse d’un ralentissement (voire d’un arrêt) de la circulation thermohaline est aujourd’hui à l’étude suite à des observations de ralentissement du Gulf Stream dans l’Atlantique Nord. Ces processus sont relativement complexes et méritent d’être traités en profondeurs au vu de leur influence importante sur le climat mondial. Rendez-vous donc dans un prochain article pour une explication détaillée.

Pour en savoir (beaucoup) plus

Bopp L., Bowler C., Guidi l., Karsenti E., de Vargas C. (2015) L’océan, pompe à carbone. Ocean-climate.org (pdf).

Moreau R. (2013) L’air et l’eau. EDPS Sciences. Collection Grenoble Sciences.

Peich S., Delecluse P., Fieux M., Reverdin G. (2017) La circulation océanique. Qu’est-ce que l’océan. p62-63.

Glossaire

*Force de Coriolis : force dite fictive (ou inertielle) agissant perpendiculairement à la direction du mouvement d’un corps. Dans le cas des courants marins ce corps est la Terre et le mouvement correspond à la rotation de la planète.

**Transport d’Ekman : phénomène de déplacement à l’horizontal de la couche océanique superficielle par l’action de la friction des vents sur l’océan.

***Downwelling : phénomène de plongée d’une masse d’eau sous l’action de sa densité et du vent.

****Upwelling : phénomène de remontée d’une masse d’eau sous l’action de sa densité et du vent.

L’auteur

Arnaud Abadie est un écologue marin et un photographe subaquatique. Biologiste marin en Méditerranée pendant dix ans, il est désormais chargé d’études milieu marin à l’Agence de l’Eau Artois-Picardie. Arnaud est le fondateur de Sea(e)scape et l’un de ses contributeurs régulier.

5 thoughts on “La circulation océanique

  1. Bonjour,

    Océanographe et professeur des universités, je vous sollicite pour l’autorisation de droits pour l’utilisation de la carte de la circulation thermohaline mondiale pour mon prochain livre L’océan, un monde à découvrir aux éditions EDPSciences.
    Cordialement.
    Patrick GILLET

    1. Bonjour, pas de soucis pour que vous utilisiez cette carte. N’hésitez pas à me faire savoir si vous souhaitez une version en haute définition.

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