Les deux zostères

Les zostères sont des plantes marines qui forment de vastes herbiers sur les côtes de l’Atlantique et dans les lagunes de Méditerranée. Leur feuillage abrite une riche biodiversité. Les herbiers de zostère nous rendent également de nombreux services comme la séquestration du carbone atmosphérique et la protection du littoral.

Dans toutes les mers tempérées

Dans les mers tempérées de notre petite planète bleue existe un genre de plante marine aux capacités surprenantes : les zostères.

Venues tout droit du pacifique au cours d’un périple de plusieurs millions d’années, ces supers plantes peuplent désormais les fonds marins côtiers du nord et du sud du Pacifique, de l’Atlantique Nord, de l’ouest de l’océan Indien et de la Méditerranée.

Le genre zostère a conquit le monde ! Source : CC Gérard Giraud.

Parmi les 16 espèces de zostères, deux retiennent particulièrement notre attention en France : la reine des zostères, la zostère marine (Zostera marina) ; et sa petite dauphine, la zostère naine (Zostera noltei). La zostère marine a de longue feuilles qui peuvent atteindre 1,2 mètres de long. Comme son nom l’indique, la version naine a des feuilles moins larges et plus courtes (20 cm de long).

De la Manche à la Méditerranée

Les deux comparses se côtoient voire se mêlent pour former de vaste prairies depuis la zone de balancement des marées jusqu’à plus de 10 mètres de profondeur pour Z. marina. D’ailleurs, si Z. marina remporte la palme de la profondeur, c’est Z. noltei qui n’hésite pas à sortir le plus souvent de l’eau en colonisant de grandes zones de l’estran à certains endroits.

En Méditerranées les prairies à zostères ont une aire de répartition différente en privilégiant les zones de très faible profondeur et protégées de la houle. C’est pourquoi nous les retrouvons plutôt dans les lagunes (comme l’étang de Thau) et beaucoup moins en mer ouverte.

Des paysages sous-marins complexes

Comme leur cousine plus connue la posidonie (Posidonia oceanica), les zostères, et surtout la zostère marine, agit comme un piège à sédiment et forme de la matte, un complexe de racines, de rhizomes et de sédiments. La matte séquestre durablement le carbone et complexifie la structuration 3D des prairies en lui ajoutant une hétérogénéité verticale.

Les prairies de zostères forment une mosaïque d’habitats avec les biocénoses les jouxtant (algues sur roche, substrats meubles). Elles interagissent avec les autres systèmes marins en exportant notamment leur feuilles lors des tempêtes hivernales. En se décomposant sur les fonds marins, les feuilles constituent un apport important en nutriments pour d’autres écosystèmes marins.

En France la zostère marine occupe 57 km² avec les plus grandes surfaces qui sont trouvées en Bretagne (Trégor-Goëlo et golfe du Morbihan). La zostère naine quant à elle couvre 91 km² du territoire et se trouve principalement dans le bassin d’Arcachon (57 % de la couverture).

Des prairies accueillantes

Zostera marina est une espèce ingénieure. Elle est ainsi capable de modifier son environnement au travers de sa structure (feuille, rhizomes, racines) et de former un habitat pour la faune et la flore marine côtière.

Par exemple en Bretagne c’est une biodiversité débridée qui peuple les prairies sous-marines avec plus de 500 espèces recensées pour la faune. Les herbiers abritent notamment entre 150 et 180 espèces de macro invertébrés. Parmi les invertébrés visibles sur les photos se trouvent les échinodermes comme l’étoile de mer glaciaire (Marthasterias glacialis), les crustacés comme ce crabe vert (Carcinus maenas) camouflé dans la canopée, ou le pétoncle blanc (Aequipecten opercularis).

En Méditerranée, les herbiers des lagunes (comme ici l’étang de Thau) ne sont pas en reste niveau biodiversité avec une anémone qui affectionne les feuilles et un cérianthe qui préfère le pied des rhizomes de la zostère.

Toujours en Méditerranée mais en mer, les prairies de zostère servent d’ultime refuge pour la grande nacre (Pinna nobilis) qui en danger critique d’extinction (liste rouge de l’IUCN). Les herbiers de zostère constituent aussi un terrain propice à la reproduction comme ici avec les lièvres de mer comme cette aplysie fasciée (Aplysia fasciata).

Une foule de services rendus

Tout cela est sans compter les dizaines d’espèces de poissons qui côtoient de près ou de loin la zostère que ce soit en Bretagne ou en Méditerranée. Les rôles écosystémiques de la plante marine sont donc multiples pour quantité d’espèces : reproduction, nourricerie, alimentation.

Et surtout, Z. marina rend un fier service à notre espèce addict aux énergies fossiles : elle capte et séquestre le carbone dissous que l’océan pompe copieusement dans l’atmosphère. Un hectare de zostère est ainsi capable de séquestrer 4 tonnes de CO2 par an. C’est loin d’être négligeable !

Malheureusement, comme une grande partie de la biodiversité marine côtière, les zostères subissent l’impact des activités humaines. Par exemple le piétinement pour Zostera noltei en lien avec le tourisme et la pêche à pied. L’ancrage également constitue une menace pour Z. marina.

L’artificialisation du littoral est aussi source de régression pour ces deux espèces très sensibles à l’augmentation de la turbidité de l’eau empêchant de réaliser efficacement la photosynthèse. Plus globalement, la perte de zones favorable au développement des plantes marines au profit de d’aménagements côtiers entraîne le déclin des prairies. Sans oublier le changement climatique qui pourrait entraîner la migration des herbiers.

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